Soeur de Meute [Natsuka]

Natsuka poursuivait jour après jour son exploration dans la terre libre.
Cette fois, elle était dans une zone assez impraticable.
De nombreuses ronces poussaient un peu partout.
La louve blanche leva son museau et huma l'air.
Elle sentit l'odeur de fruits pourris, de verdure, et celle d'une louve.
Amie ? Ennemie ?
Elle grogna, juste au cas où :

Qui est là ?

Maïa pivota sur elle même et fit face à la louve, tête haute, mais gorge hors de sa porté.
"Maïa."

C'était amplement suffisant.
"Et toi ? Qui es-tu ?"
Elle n'avait pas l'odeur de l'ennemi.
Mais on ne savait jamais.

Natsuka avait un peu honte d'avoir été aussi agressive.
Surtout envers la dominante de sa nouvelle meute.
Elle baissa légèrement la queue, en signe d'excuse et de soumission, et dit :

Natsuka, Maïa depuis peu de temps.
Je suis désolée d'avoir été aussi désagréable.

Les muscles tendus se relachèrent.
La méfiance disparut, un sourire se glissa sur les lèvres.
"Enchanté.
ce n'est pas grave...Je crois qu'on est tous un peu tendu, en ce moment."
Quoi de plus normal, en temps de guerre ?
"En tout cas, je suis heureuse de rencontrer une nouvelle membre de la meute."

Natsuka était soulagée d'entendre que Maïa ne lui en voulait pas.

Heureuse de te connaître.
J'étais une Sang-Pur auparavant, mais j'ai fui pour vous retrouver.
Je ne voulais pas "exterminer les Maïa jusqu'au dernier", comme disait mon père...

En repensant à son père, elle frissonna de haine.
Sa mère, elle, était moins extrémiste...

L'évocation d'un passé cher les Purs ne pouvait que sucité la méfiance.
Mais Natsuka m'avait avant même que la louve blanche puisse soupçonné quoi que ce soit, ce qu'un imposteur se serait surement bien gardé de faire.
La dominante choisit donc de faire confiance à la louve, tout en restant attentive au moindre détail.
"Dans ce cas, je ne peux t'être que plus reconnaissante encore de nous avoir rejoint."

La louve blanche avait bien senti l'imperceptible ton soupçonneux avec lequel Maïa avait parlé.
C'était tout à fait compréhensible.
Mais elle ne le fit pas paraître, par politesse, dans sa réponse :

Je te remercie de ta confiance.

Natsuka observa les alentours.
Malgré son aspect et l'odeur peu ragoûtante qui flottait dans l'air, ce verger avait un certain charme sauvage, inexplicable.
Peut-être était-ce parce qu'il était entre les mains de la nature.

Je trouve que les terres libres sont superbes.
Par exemple, la cascade où vous dormez, ou les terres rocheuses...
Je suis heureuse d'avoir rejoint ta meute.

Maïa hocha la tête.
"Oui, nous avons de belle terre.
Celle des Purs aussi sont magnifique, pour la plupart."
Pas étonnant qu'ont se battent pour elles.
Y vivre était un vrai plaisir.
Quand régnait la paix.

Pour avoir vu en partie la terre des Purs, Natsuka savait que ce que disait Maïa était vrai.

Oui... "Chez moi", c'est beau aussi.

La louve souffrait de ses origines.
Mais elle ne pouvait renier les terres de sa naissance.
Elle avait appris, en quittant les Purs, que ce sont les choix qui font de nous ce que nous sommes.

J'espère que j'aurais l'occasion de prouver ma loyauté envers les Maïa à la prochaine bataille.
Je ne veux pas être l'un de ces Sang-Pur stupides...

rajouta-t-elle en mâchant ses mots.

La bataille.
Elle planait depuis si longtemps sans arrivé...
Mais chaque jour, désormais, rapprochait les deux meutes de leur confrontation.
Donc l'issu serait décisive pour le futur.
"Je n'en doute pas."
Non, prouver sa valeur serait même indispensable.
Les Purs n'abandonneraient pas facilement.
"Pas stupides. Je ne pense pas.
Juste aveugles."

La louve opina du chef.
Elle s'assit.
Une question lui trottait dans la tête depuis un moment.

Si nous gagnons, les terres des Sang-Pur deviendront des terres libres, c'est bien ça ?

Natsuka espérait que la réponse serait positive.
Elle adorerait revoir "ses" terres, sa demeure.
Car malgré la beauté des actuelles terres libres, elle était nostalgique de celle des Sang-Pur.

"Oui. C'est ça."
Libre. Ouverte à tous.
Son rêve.
"Même les Sang-Purs pourront les fouler sans crainte."
Encore fallait-il gagner...

Parfait !
Mais Natsuka voyait un problème là-dedans.

Je crois que les Sang-Purs ne se contenteront pas de cet arrangement...
Au contraire, ils se révolteront pour reprendre le contrôle de leurs terres, et des terres libres.
Du moins, c'est ce que je pense.

Elle réfléchit.

Il faudrait que les dominants des Sang-Purs ainsi que toi et Blood, vous vous rencontriez.
Pour vous mettre d'accord...

Natsuka avait conscience que cette idée pourrait lui valoir l'affiche d'espionne au compte des Sang-Purs.
En effet, elle aurait pu prévenir "ses" dominants afin qu'ils tuent Maïa et Blood dès que possible, éventuellement accompagnés d'autres loups embusqués.

Effectivement, l'idée qu'elle soit une espionne effleura l'esprit de Maïa.
Mais rien n'était moins sur.
Et de toute manière, elle ne tomberais jamais dans le panneau aussi facilement.
"Je sais...Le mieux serait de les convaincre du bien fondé de notre cause.
De toute manière, il faut déjà que nous gagnions la guerre."

Natsuka soupira.
La guerre était loin d'être gagnée, elle le savait.
Elle se sentit soudain mal, tiraillée entre deux groupes hostiles entre eux, tout juste intégrée aux Maïa.
Un sentiment de désespoir l'envahit, lui donnant l'impression que tout ce qu'elle entreprendrait serait inutile ou mal jugé.
La louve ne put se retenir de pousser un gémissement pitoyable, digne d'un louveteau qui avait perdu sa mère.
Sa mère...
En pensant à elle, elle se sentit encore plus mal.
Natsuka s'allongea, la tête entre les pattes, et soupira de nouveau.
Encore une fois, elle gémit, mais son faible cri monta de plus en plus haut, jusqu'à ce qu'il se transforme en hurlement de désespoir.
Elle hurla longtemps, crachant sa tristesse au ciel ambré du crépuscule.
Lorsqu'elle s'arrêta, elle inspira profondément pour reprendre son souffle.
Consciente que tout ceci pouvait incommoder sa dominante, elle lui dit tout bas :

Je suis désolée.
J'avais besoin de lâcher la tension dans mon cœur.

Maïa s'assit.
Et observa Natsuka sans un mot.
Le désespoir apparent de la louve effaça une grande partie des soupçons de la dominante.
Une espionne, à moins d'avoir l'esprit particulièrement tordu, n'aurait pas agit ainsi.
"Ce n'est pas grave. Je comprend. Enfin, pas la raison de ton geste, non, mais ton besoin d'agir ainsi."
Etait-elle comprésensible ?
Elle même se comprennait. N'était-ce pas l'important ?